+33 4 11 93 21 12

Créer un logo qui active l’intelligence visuelle

29 mai 2018

Comment la Gestalt nous inspire pour la création de logos

La Gestalt et ses mécanismes de perception, ou comment vous rendre co-créateur d’un logo

Qu’on se le dise : la création d’un logo requiert de l’expertise

Une culture artistique et publicitaire, en particulier la maîtrise du langage des formes, des couleurs, des typographies (typographe est un métier), la connaissance des courants et styles artistiques, ainsi que des codes culturels contemporains propres à telle ou telle catégorie de publics ;

Une perception fine de l’annonceur : son métier, ses valeurs, son positionnement, son ambition, son marché, ses publics ;

Un savoir-faire pédagogique. Il est rare que le client soit expert du domaine, sinon il ne ferait pas appel à nous. Aussi, une part de notre accompagnement consiste parfois à lui expliquer que l’enjeu n’est pas de savoir s’il aime ou n’aime pas nos propositions, mais si elles sont pertinentes par rapport à l’objectif initial. Avant d’être éventuellement un objet décoratif, un logo est d’abord un objet culturel et de sens ;

Du temps, beaucoup de temps, surtout pour la phase d’étude et de conception. La réalisation sous Illustrator est au final peu chronophage en comparaison ; 

Aussi, à l’heure où des collectivités publiques demandent encore dans leurs appels d’offres de créer des « esquisses » ou des « croquis » gratuitement pour leur permettre de départager les répondants (comme si notre valeur ajoutée résidait dans l’exécution graphique de « l’esquisse » et non dans l’idée qu’elle exprime), se mettant ainsi en délicatesse avec le code des marchés publics, et toutes les bonnes pratiques de la profession (pour ceux qui ça intéresse : cf. le post Facebook de Thomas Piettre, fondateur de l’agence), quand d’autres organisent carrément des concours ouverts au grand public (un peu comme si vous disiez : j’ai besoin d’une maison, je propose à quiconque de m’en construire une – je suis beau joueur, je vous dispense des finitions – et promis si elle me plaît, je vous l’achète), on s’est dit qu’un peu de pédagogie sur les compétences mobilisées par une direction artistique d’identité visuelle ne ferait pas de mal. Plutôt que de dévoiler notre processus créatif (on est partageur, mais y’a des limites), on a pris le parti de faire un focus sur l’une de nos sources d’inspiration : la psychologie de la forme, aussi appelée Gestalt. Dans cet article, nous expliquons en quoi consiste cette théorie de la perception visuelle, comment elle peut s’avérer pertinente et efficace pour la création de logos, et comment elle nous a guidés dans la création récente de trois logos, décryptés à la fin de l’article.

Avant cela, quelques éléments de contexte.

Du bien-fondé de la gestalt

#1

Stimuler pour ne rien dire : à quoi bon ?

15 000. C’est, selon Arnaud Pêtre, chercheur en neuromarketing à l’Université Catholique de Louvain, le nombre de stimuli commerciaux auxquels nous sommes confrontés chaque jour (source : http://www.etopia.be/spip.php?article569). Par stimuli, nous entendons ici non seulement les publicités dans les médias online et offline, mais aussi le sponsoring, le placement de produits dans les films, les enseignes et devantures de magasins, les publicités sur distributeurs de boissons, les présentoirs dans les magasins, les logos bien identifiables sur les vêtements, les spots de radio, bref toute exposition visuelle ou auditive à une marque (nous n’intégrons pas ici les signatures olfactives, gustatives et kinésiques des marques, bien qu’elles fassent partie des attributs identitaires de certaines d’entre elles).

Or, parmi tous ces stimuli, combien émergent jusqu’à la conscience de notre cerveau ? Combien s’inscrivent durablement dans notre mémoire ? Bien peu. Deux raisons fondamentales à cela : l’une quantitative, l’autre qualitative.

Côté quantitatif, certaines marques accaparent nos sens par une surexposition payée qui vient à bout, malgré nous, des défenses de notre cerveau. C’est le cas, par exemple, des spots publicitaires à la radio, qui « martèlent » le nom d’une marque en le répétant 10 fois en 20 secondes. C’est efficace, contre notre gré. Cette surexposition occupe non seulement une partie de notre « temps de cerveau humain disponible », mais aussi ce qu’on pourrait appeler notre « espace de cerveau disponible », réduisant la « place restante » pour les marques qui n’ont pas les moyens de s’acheter cette médiatisation.

La deuxième raison tient à la pauvreté signifiante de ces stimuli. Ils sont, pour beaucoup, triviaux. D’une banalité navrante, ils sont assénés sans subtilité, c’est-à-dire en sollicitant a minima notre intelligence, notre humour, notre culture. Moins « communicants » qu’ informatifs, ils ne proposent rien à élucider, décoder ou comprendre. C’est pourquoi ils glissent à la surface de notre cerveau. Comme le disait le publicitaire Philippe Michel (C’est quoi l’idée, éd. Michalon, 2005, p. 45),

«

L’esprit de l’Homme est équipé d’un lubrifiant semblable à celui qui enduit les plumes des canards et qui les empêche de se mouiller ; celui de l’Homme l’empêche d’absorber les idées des autres avant de les avoir fait siennes.

»

Autrement dit, on retient mieux ce que l’on conçoit soi-même, et l’on ne mémorise jamais rien sans raison. Lorsque le stimulus est vide de sens, il n’y a à proprement parler rien à comprendre, à s’approprier, donc rien à retenir.

 

#2

Exprimer autant qu’expliciter : une marque de considération du destinataire 

De ce constat découle, pour nous communicants, une responsabilité. Celle de concevoir des créations porteuses de sens. Pour notre part, nous nous donnons pour exigence :

De porter autant d’attention à l’explicitation du sens (par les mots) qu’à son expression (par les formes et les couleurs). La première s’adresse à notre entendement, alors que la seconde parle à nos sens et à notre culture. Or, lorsqu’une dissonance survient entre les deux (par exemple lorsqu’on adresse un compliment sur un ton agressif, ou lorsque les couleurs, les formes et la typographie d’une identité visuelle n’expriment pas le positionnement voulu), c’est la seconde que l’on retient.

De faire confiance à l’intelligence, l’humour et la culture des publics de nos clients, en refusant de les infantiliser. C’est l’un des 10 engagements de notre charte éthique. Dans nos créations et propositions, nous essayons de ne pas simplement « pousser » la marque vers le consommateur, mais plutôt de créer des liens d’ordre culturel avec lui, afin qu’il vienne à elle. Notre travail consiste souvent à trouver des « connecteurs » qui vont, en quelque sorte, « clignoter » ou « faire tilt » dans l’univers culturel – pas toujours conscientisé – de nos publics. Plus qu’un signe de manipulation (le discours publicitaire, à l’instar du discours politique, n’avance pas masqué : son objectif est clair et assumé), c’est d’abord une forme de respect et de tact. Nous n’assénons pas un message. Nous prenons le soin de le suggérer, de laisser une marge d’appropriation à nos publics afin qu’ils aient le plaisir de le découvrir, le décoder, l’élucider. Surprendre, émouvoir, faire sourire, entrer en résonance, bref produire du sens, ne sont pas les signes d’une manipulation rédhibitoire avec l’éthique d’une organisation, mais bien des marques d’attention et de considération, par lesquelles celle-ci permet à ses publics de se grandir en se reliant à elle.

#3

Une démarche d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur les mécanismes du cerveau

Cette démarche, outre le fait qu’elle est plus respectueuse, est aussi plus efficace. Car elle s’appuie sur les mécanismes d’apprentissage et de perception du cerveau. Dans Les lois naturelles de l’enfant (éditions Les Arènes, 2016), Céline Alvarez explique que lorsqu’un enfant exige de faire par lui-même, ce n’est pas un caprice, mais une manifestation de son intelligence qui demande à s’exercer :

«

Ainsi, lorsque nous refusons à un enfant âgé de 3 à 5 ans de boutonner seul sa veste par manque de temps et qu’il proteste violemment, ce n’est pas lui qui se dresse face à notre maladresse, c’est toute l’intelligence de l’Homme qui gronde car elle trouve une entrave à son développement (…). A l’inverse, si nous n’entravons pas son activité, nous le voyons traversé par une concentration extraordinaire et rechercher une précision étonnante, sa satisfaction est pleine et joyeuse. Cette grande satisfaction est l’indicateur positif d’un besoin sensible comblé.

»

Or, de même que l’enfant a besoin de faire par lui-même pour apprendre, et que cet apprentissage lui procure de la joie, de même l’adulte a besoin de comprendre par lui-même pour retenir, et cette élucidation lui procure du plaisir. Car fondamentalement, nous aimons exercer notre cerveau. Éprouver et prouver son intelligence est indispensable à l’estime de soi. C’est la raison pour laquelle, il est efficace, en communication, de solliciter d’une manière ou d’une autre la participation du destinataire, en lui laissant une marge d’appropriation, de contribution (du latin contribuere : fournir sa part), un espace de sens à défricher.

#4

Une démarche formalisée dès les années 120 par la Gestalt

Dans le domaine de la perception visuelle, ce constat a été formalisé dès les années 1920 en Allemagne par la théorie de la Gestalt (« forme » en allemand), aussi appelée psychologie de la forme. La Gestalt nous enseigne que pour rendre perceptible une forme, point n’est besoin de la dessiner de manière explicite. Il suffit de la suggérer, le cerveau faisant le reste. Son postulat de base est le suivant : devant la complexité de notre environnement, le cerveau va chercher à mettre en forme, à donner une structure signifiante à ce qu’il perçoit, afin de le simplifier et de l’organiser. Pour cela, il structure les informations de telle façon que ce qui possède une signification pour nous, se détache du fond pour adhérer à une structure globale.

Prenons l’exemple de l’écriture. Dans l’exemple ci-dessous, les lettres à l’intérieur des mots ont été mélangées, à l’exception de la première et de la dernière lettre. Malgré cela, notre cerveau en identifie le sens en recréant lui-même les mots, car il a tendance à les considérer comme un tout, et non comme la simple juxtaposition de lettres.

«

Je n’en crios pas mes yuex que je sios cabaple de cpormendre ce que je lis. Soeln une edute fiate à l’Unievristé de Cmabridge, l’odrre des lerttes n’est pas imotprant. La suele cohse imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot sioent à la bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos letrte par letrte, mias ptuôlt cmome un tuot. Étoannnt n’est-ce pas ? 

»

Notre cerveau prolonge ce qui n’est que suggéré et perçoit un cube, alors même qu’il n’est pas dessiné

#5

Suggérer et solliciter l’intelligence visuelle

Cette théorie a de multiples applications dans les domaines du graphisme, de la mise en page, du design, du webdesign, de l’architecture, de l’ergonomie… En termes d’identité visuelle, la Gestalt donne par exemple des pistes pour doter un logo d’un sens formel qui sollicitera l’intelligence visuelle et logique du destinataire. Un logo répondant aux critères de la Gestalt devient agréable à regarder, ou plutôt à décoder, car il sollicite la participation du cerveau de celui qui l’observe. Il crée une sorte de complicité intellectuelle avec son destinataire, qui ressent la satisfaction d’avoir participé au sens du message. Sa compréhension du fond et de la forme l’élève en quelque sorte au rang d’acteur. Or, comme on l’a vu, on ne retient bien que ce que l’on conçoit soi-même. Si l’objectif d’une marque est d’être remarquée puis retenue, alors un logo conforme aux principes de la Gestalt contribuera plus qu’un autre à sa notoriété et sa mémorisation.

L’APPLICATION DE LA GESTALT À L’IDENTITÉ VISUELLE

#1

Exemples de logo

1962, le logo Carrefour

Un exemple de logo bien connu appliquant les principes de la Gestalt : celui de Carrefour. Malgré une typographie datée, ce logo reste incroyablement moderne. Pourquoi ? Parce qu’il offre deux niveaux de lecture, l’un littéral, où l’on voit deux flèches : une rouge vers la droite, une bleue vers la gauche ; l’autre abstrait : un « C » en défonce dans un losange. La conjugaison de ces deux niveaux de lecture révèle la pertinence de la forme. Car si l’on se pose la question de la représentation d’un carrefour, on pensera immédiatement à un carré (ou losange), et aux flèches signalétiques (révélées par le « C »). Double tour de force donc, avec le « C » qui, venant se placer au centre, révèle également les formes de son champ lexical.

Depuis, d’autres exemples

Autre logo connu qui fonctionne également très bien : celui de Fedex. L’approche des caractères (l’espace qui les sépare) permet au « Ex » de former une flèche en défonce allant de gauche à droite et sert le propos de la marque – la livraison rapide d’un point à un autre.

Créer par Tibor Pap en 2013, le logo UNIT est un cas d’école de la Gestalt. Jouant avec notre perception, les empattements de la typographie amorcent la lecture à l’œil, notre cerveau fait le reste en associant le plein et le vide : l’unité.

Le logo de cette organisation humanitaire représente la carte de l’Afrique en première lecture, puis on distingue une silhouette d’enfant à gauche face à la silhouette d’un adulte à droite.

#2

Au-delà des logos, des affiches

Amnesty International, 1995 (Israël)
Une affiche pour la branche israélienne d’Amnesty du graphiste Lemel Yossi

gestalt_creation_logo_agence_brock-davis

Création Brock Davis

Campagne pour World For All Animal Care And Adoptions imaginée par Amol Jadhav et Pranav Bhide

Kama Sutra, illustration Malika Favre

#3

Un bon logo est comme un bon vin

Sans doute est-ce notre côté épicurien (ce qui ne fait en rien de nous des amateurs d’une vie de débauche : pour Epicure, seuls les désirs « naturels et nécessaires » doivent être assouvis, ce qui le classe plutôt dans la catégorie des sages ascétiques cherchant à associer plaisir et vertu) : au sein de l’agence, on a tendance à considérer qu’un bon logo, c’est un peu comme un bon vin (bio si possible, donc) :

Ce n’est pas parce que le client final n’est pas capable de mettre des mots précis expliquant pourquoi il l’apprécie… qu’il n’est pas bon.

Ça vieillit bien et lentement. Un bon logo exprime les fondamentaux de l’organisation, ses valeurs, son projet. Pas besoin d’un lifting tous les deux ou trois ans !

Les apprécier est une expérience sensorielle… et culturelle. Comme un bon vin, dont les arômes entrent en résonance avec notre capital olfactif et gustatif, un bon logo sollicite et enrichit notre culture visuelle.

#4

Un bon logo n’est pas vain

Au risque d’enfoncer une porte ouverte, rappelons ici que ce travail de recherche, de réflexion et de création visant à donner du sens à un logo… n’est ni vain ni gratuit ! L’identité visuelle d’une organisation, et en particulier son logo, constitue un élément structurant de sa communication :

Elle est censée exprimer un positionnement et des valeurs, et ainsi faciliter l’identification de l’organisation et l’adhésion de ses publics à son projet ;

Si les fondamentaux de l’organisation (la fameuse « plate-forme de marque ») ont été suffisamment travaillés, alors le logo et plus généralement la charte graphique de l’organisation peuvent se distinguer de la concurrence par une identité visuelle forte et singulière.

#5

Une démarche qui fait écho aux travaux récents sur la communication engageante

Certes, la Gestalt n’est pas l’alpha et l’oméga de la création graphique. Il existe de multiples manières de donner du sens et de la pertinence à un logo et une identité visuelle, sans forcément chercher à créer des jeux visuels qui s’appuient sur les mécanismes de perception du cerveau (voir par exemple, la réflexion et les principes qui ont nous ont guidé pour la refonte de l’identité visuelle de la marque Pressoirs de Provence). Mais force est de reconnaître la puissance et la modernité de cette théorie formalisée il y a un siècle. En proposant une marge d’appropriation, un espace à défricher et décoder, elle rend le spectateur acteur de la communication. Ce faisant, elle rejoint d’une certaine manière les principes de la communication engageante, que nous appliquons dans nos campagnes de communication et sensibilisation au développement durable.

La communication engageante part du constat mesuré que l’information ne suffit pas à faire changer les comportements. Par exemple, des études ont montré que la probabilité d’être fumeur à 17 ans n’est pas plus faible chez des élèves ayant suivi 65 séances de sensibilisation entre 8 ans et 17 ans et donc très bien informés des méfaits du tabac, que chez des élèves n’ayant pas suivi ces séances (Peterson, Kealey, Mann & Sarason, 2000). S’appuyant sur la psychologie sociale et les sciences du comportement, la communication engageante préconise en particulier, pour inciter efficacement un destinataire à adopter un comportement ultérieur coûteux, de lui faire faire au préalable des actes préparatoires peu coûteux. Autrement dit, de le rendre acteur, et non simplement récepteur d’une information. Si participer (physiquement, intellectuellement, affectivement), c’est être impliqué, alors permettre la participation, c’est faciliter l’engagement. La Gestalt est à la communication visuelle ce que les sciences comportementales sont à la communication engageante !

Et nos logos, dans tout ça ? 

Décryptage de trois logos créés par nos soins et inspirés des principes de la Gestalt

exemple #1

Conçu par la startup montpelliéraine Resilient Innovation, WalkMe est un dispositif innovant d’aide à la marche pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Reposant sur le principe de la stimulation rythmique auditive (SRA), le WalkMe identifie les signes annonciateurs du freezing (blocage du pas) grâce à un boîtier porté au niveau de la hanche. Il émet alors des bips sonores réguliers via un casque auditif, qui aident le cerveau de l’utilisateur à synchroniser ses mouvements et à passer au pas suivant. Alors que l’altération de la marche est un des symptômes les plus handicapants de la maladie de Parkinson, l’utilisateur du WalkMe retrouve, sans effort ni procédé invasif ou médicamenteux, une marche quasi fluide.

Le cahier des charges

En 2016, la startup Resilient Innovation nous sélectionne pour l’accompagner dans l’élaboration et la mise en oeuvre de sa stratégie de communication afin d’accélérer son développement. Très vite, après avoir créé l’identité visuelle corporate de l’entreprise (dont le principe créatif ne repose pas sur la Gestalt), nous nous attelons à la création de celle du WalkMe. L’objectif : concevoir un logo qui, par sa forme et sans l’aide d’une base line :

exprime à la fois l’innovation, la technologie, l’audace… et en même temps la simple activité de marcher

soit facilement compréhensible, tout en sollicitant l’intelligence visuelle du spectateur.

Explication du parti pris graphique

La police utilisée est une Gotham, une police très contemporaine et urbaine utilisée à l’origine en signalétique à New York. Nous l’avons choisie à la fois pour ses qualités intrinsèques de modernité et de lisibilité, et parce que depuis 2008 elle est associée dans l’inconscient collectif à la campagne « HOPE » de Barack Obama, affiche créée par Shepard Fairey. Pour des personnes atteintes de la maladie de Parkison convaincues qu’elles ne pourraient plus marcher, le message subliminal nous paraissait parfaitement coller avec la promesse du WalkMe !


Le logo est construit sur le principe de lettres qui se chevauchent légèrement (l’approche, c’est-à-dire l’espace entre les lettres, est négative), mais dont la lisibilité est rendue possible par un jeu de vide et de plein révélant les jeux potentiels des lignes de force et des masses. On distingue ainsi plus clairement la dynamique du zig zag entre le « W » et le « A », repris plus loin par le « M ». L’influence de la Gestalt se retrouve dans le fait de remplacer le « A » en défonce par la silhouette de jambes qui marchent épousant la forme du « A ». Sur le fond, le fait de partir de la lettre « W », l’une des dernières lettres de l’alphabet (avec ses hauts et ses bas) pour arriver au « A » de la marche, est une manière d’exprimer la résilience, le retour à une vie normale riche de possibles, que ressentent les utilisateurs du WalkMe.

 

De la même façon, le « M » est traité en négatif pour deux raisons :

Sur le fond : le « M » de « Me » fait écho au traitement « en négatif » du « A », car le M et le A vont ensemble : le M exprime l’appropriation… de la marche, exprimée par le A.

Sur la forme : le « M » équilibre la composition en termes de masses et stabilise les lignes de forces du « W » et du « K ». Il vient donner une assise (dans tous les sens du terme) au « e » qui le suit.

exemple #2

ECLR (Energies Citoyennes Locales et Renouvelables, prononcer « éclaire ») en Occitanie est le réseau régional qui fédère déjà plus d’une quarantaine de porteurs de projets – citoyens, professionnels et collectivités – engagés dans le développement des énergies renouvelables citoyennes et participatives.

Le cahier des charges

En 2017, le collectif ECLR nous confie la mission de refondre son identité visuelle. Ses membres estiment à juste titre que leur logo d’alors n’est pas à la hauteur des projets qu’ils accompagnent, en raison de son caractère insuffisamment corporate et trop peu lisible.

Cependant, parce que cette refonte de logo ne marque pas une rupture dans l’histoire d’ECLR, nous décidons de préserver une forme de continuité graphique avec l’ancien.

D’où le choix :

de garder sa couleur vert d’eau, bien adaptée au thème des énergies renouvelables ;

de garder le symbole de l’ampoule, tout en le réinterprétant graphiquement. Plus que l’éclair, dont la connotation peut être négative (la foudre), l’ampoule évoque les gestes quotidiens, suggère le côté « branché » de l’engagement en faveur des énergies renouvelables et participatives, et garde la connotation symbolique positive (lumineux, intelligent, bien vu) de l’éclair (éclair de génie).

La lumière vient rarement au premier coup de crayon

Lorsque nous créons un logo, nous proposons a minima 3 axes créatifs distincts. Concernant l’axe créatif « ampoule », nous avions deux propositions. Celle qui a été retenue et celle ci-dessous. Force est de constater que la proposition initiale (ci-dessous), était effectivement moins convaincante. Bien qu’intéressante par ses lignes de force, elle produisait moins l’effet « bien vu » propre à la Gestalt et parfaitement adapté ici, afin que la forme rejoigne le fond. Nous souhaitions non seulement rendre perceptible une ampoule par souci de cohérence avec le positionnement d’ECLR, mais également que l’intégration de cette ampoule soit en tant que telle bien vue, ingénieuse, bref lumineuse.

Au-delà de la métaphore de l’ampoule déjà explicitée, la manière dont nous avons joué avec la Gestalt n’est pas innocente.

D’une part, l’ampoule apparaît… dans le creux du C. Littéralement, ce qu’exprime ainsi le logo, c’est que le côté ingénieux, lumineux d’ECLR… vient combler un vide. Or c’est tout à fait ça ! Par son approche globale de développement local – à la fois économique, social, démocratique et environnemental – ECLR aide à faire émerger des projets citoyens et participatifs de production d’énergie renouvelable et locale. Ce faisant, elle contribue à rendre les citoyens d’un territoire acteurs de la transition énergétique, et non plus spectateurs. Car en France, 99% des projets de production d’énergie renouvelable sont portés par des opérateurs privés ! Financés par des capitaux externes, les retombées socio-économiques de ces projets pour le territoire et les citoyens sont limitées. Les projets portés par ECLR sont, eux, financés par de l’épargne locale dans une démarche non spéculative. Ils comblent ainsi un double manque : le manque de transparence dans la gouvernance et le manque de retombées locales d’une majorité de projets de production d’énergie renouvelable implantés sur le territoire.

D’autre part, en fermant le « C », l’ampoule cache… un « o ». Les plus créatifs y verront une référence à Eole, maître du vent, soulignée par les trois rayons de lumière au-dessus du « e », évoquant alors des pales d’éolienne.

Choix de la typo

La typographie utilisée est la FedraSans. Elle a l’avantage de concilier deux exigences a priori opposées: la rigidité d’une police de caractères conçue pour l’écran et la flexibilité d’une écriture manuscrite. Nous avons opté pour un « e » et un « c » en bas de casse pour leur analogie formelle avec le rond, qui facilite les jeux entre les pleins et les vides. Les bas de casse expriment également le caractère social, humain, souple, du projet d’ECLR. A contrario, nous avons privilégié un « L » et un « R » en capitales pour exprimer le côté solide, sérieux et professionnel des projets accompagnés par ECLR, et pour conférer à ce logo corporate rigueur et stabilité.

exemple #3

Vaibio est une entreprise de vente en ligne de vaisselle biodégradable et jetable : assiettes, couverts, gobelets en palmier, canne à sucre, maïs, bois…

 

Le cahier des charges

En 2016, le gérant de cette entreprise nous sélectionne pour refondre son site Internet e-commerce. A cette occasion, nous lui suggérons d’en profiter pour refondre également son identité visuelle. Son ancien logo n’en était pas véritablement un à proprement parler, il constituait plutôt un nom de marque colorisé. En outre, il ne permettait pas de comprendre le positionnement ou l’offre. Le client ayant accepté, nous nous sommes mis au travail.

Parti pris graphique et explication de la Gestalt

Nous souhaitions rendre perceptible par la forme du logo les caractéristiques et avantages de la vaisselle biodégradable.

Le logo se lit ainsi comme une transformation progressive de la matière. Le jeu entre «VAI» en positif et «BIO» en négatif suggère le passage du matériel au « démateriel » (même biodégradée en compost, une assiette reste de la matière). Les lettres se détachent (VAI), puis se lisent en défonce au blanc (BIO), pour se terminer sur l’effacement du « O », qui du même coup symbolise la biodégradabilité totale : le O disparaît dans son environnement, telle une assiette qui disparaît dans la nature.

Bien sûr, le nom VAIBIO est l’abréviation de VAIsselle BIOdégradable, en base line. Mais le fait d’avoir opté pour un traitement graphique spécifique de chaque syllabe confère au logo un sens complémentaire : celui d’aller vers le bio (je VAIS vers le BIO). Ce choix est un clin d’oeil adressé à la clientèle de VAIBIO, engagée et militante. On ne s’oriente pas par hasard vers une boutique en ligne de vaisselle biodégradable, plus chère que la vaisselle jetable classique.

Enfin, la typographie est abrupte, mais permet une lisibilité claire sur tout type de fond. Elle est contre-balancée par la base line plus douce en bas de casse. Traduction en termes de sens : le sérieux des produits VAIBIO, leur biodégradabilité totale, témoigne des valeurs humaines et sensibles (respect d’autrui, souci de l’environnement, amour de la nature) de ses utilisateurs.

Et puisque l’on parle écologie…

En conclusion, une question pas si incongrue que ça

La Gestalt est-elle écolo ?

Eh bien oui. Pour deux raisons.

La première, c’est qu’elle nous aide à nous (re)connecter à notre nature, celle d’un être capable de produire et percevoir du sens. En portant l’exigence 1. de signifier et 2. de suggérer, la Gestalt nous aide à nous approprier notre environnement, à nous relier à lui, à faire de l’exploration visuelle de notre quotidien un chemin plaisant à parcourir, sensible, grâce auquel on peut développer ses aptitudes de perception, d’étonnement et de compréhension voire, peut-être, d’empathie. La Gestalt rejoint ainsi la préconisation de notre Livre Blanc sur la Communication de l’entreprise en temps de crise (2006), qui constitue en quelque sorte le manifeste de l’agence : 

«

L’appropriation se gagne (…) dans ce délicat équilibre : en dire assez pour « faire passer le message », sans en dire trop pour permettre à ceux qui le reçoivent de se l’approprier, de le reformuler, d’y mettre du leur.

»

La seconde, c’est que suggérer, c’est soustraire. Jouer sur les vides, c’est supprimer de la matière. Et donc économiser de l’encre et de l’énergie. La Gestalt rejoint ici les préceptes de l’eco branding et de l’éco-conception d’identité visuelle, qui préconisent en particulier d’évider les logos, pour limiter la quantité d’encre imprimée et le poids des fichiers numériques. Anecdotique ? pas tant que ça. En évidant les logos de Coca-Cola ou de McDonald, on économiserait entre 13 et 30% d’encre. Sur l’ensemble des produits dérivés de chaque marque, cela engendrerait une économie d’échelle conséquente.

Pour le principe plus que pour l’économie d’énergie engendrée, nous avions d’ailleurs opté, dans deux propositions initiales de logos pour Vaibio, pour une typographie évidée.

Si nous ne les avons pas retenues, c’est que ces pistes étaient moins fortes, en termes d’impact et de sens, que celle finalement adoptée. Or, contrairement à une acception fort répandue de la communication responsable, notre première responsabilité en tant qu’agence de communication engagée n’est pas de réduire à la marge (en l’occurrence, c’eut vraiment été à la marge) l’impact environnemental de nos créations. Certes, réduire l’impact environnemental des stratégies et supports que nous réalisons est une évidence. Mais ne nous y trompons pas. Si la communication est l’art et la manière de susciter un acte, alors notre première responsabilité, tout particulièrement en direction artistique, est de produire des créations signifiantes qui maximisent les chances que les publics de nos clients agissent dans un sens vertueux.

Aller au contenu principal