Alors même que Les Echos publiaient hier un article sur « Les bonnes pratiques de la communication responsable aujourd’hui », la chaîne du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie met en ligne ce jour une vidéo didactique, intitulée « Innover en communication responsable ». On ne va pas faire la fine bouche : plus on parle de communication responsable, plus nous nous en félicitons. Cependant…
Un article qui ne fait pas avancer le débat
On aurait pu s’attendre de la part des Echos à un regard un tant soit peu critique et une mise en perspective des enjeux, difficultés, voire parfois contradictions entre les notions de communication et de développement durable (voir sur ce sujet notre Livre blanc sur la communication interne et externe de l’entreprise en temps de crise publié en 2006, ou le livre de Thierry Libaert Communication et Environnement : le pacte impossible, publié en 2010)… Or il n’en est rien. Sous un ton qui se veut pédagogique, l’article enfonce des portes ouvertes (« la communication peut avoir un effet positif ou négatif en matière de développement durable », « la communication responsable est celle qui pratique une certaine éthique »), fourmille d’approximations (« il y a une dizaine d’années », « ces trois ou quatre dernières années », « peu à peu », « dans une certaine mesure »…), et surtout, manque les enjeux de fond et témoigne d’une vision… incomplète, pour ne pas dire naïve, du sujet. Lénifiant, d’autant que l’article fait plus de 4 feuillets.
Une vidéo instructive
Des questions laissées en suspens
La vidéo mise en ligne ce jour par le Ministère de l’EDDE est plus intéressante. Certes, elle laisse de côté d’importantes questions de fond : pourquoi les études montrent-elles que les entreprises qui communiquent le plus sur le développement durable voient leur capital confiance diminuer ? pourquoi les entreprises bénéficiant des meilleures réputations n’ont-elles, à de rares exceptions près, jamais choisi le développement durable comme un axe fort de leur communication ? pourquoi certaines ONG en appellent-elles à un « vrai développement durable », dont serait exclu la communication ? pourquoi le développement durable semble-t-il si simple à appliquer quand on lit ou écoute les entreprises et collectivités… et si difficile à mettre en oeuvre lorsqu’on observe les comportements ? pourquoi la sensibilité des Français à l’égard du réchauffement climatique décline-t-elle inversement proportionnellement à la prise de parole des acteurs privés et publics sur le sujet ? etc, etc, etc.
Une visée pratique illustrée d’exemples précis
Mais elle a le mérite de montrer des cas concrets. De réconcilier créativité (trop souvent cataloguée « publicité ») et communication responsable. De montrer que celle-ci n’est pas qu’affaire de réduction de son impact environnemental, mais aussi de pertinence, clarté et véracité du message, ainsi que de gouvernance – l’exemple de la démarche menée par la SNCF à ce sujet est intéressante. Valérie Martin, chef du service communication institutionnelle de l’ADEME, suggère également la responsabilité sociétale de la communication vis-à-vis de « l’évolution des comportements ». Bien qu’elle n’approfondisse pas le sujet, nous lui savons gré de l’évoquer, car c’est bien pour nous la première responsabilité du communicant, ou la première caractéristique d’une communication responsable : mettre ses compétences au service d’une évolution des comportements qui soit profitable à la collectivité. Ce qui revient à réfléchir à la « mission » de l’entreprise, exprimée en termes de contribution au mieux-être collectif. Christine Hermann, Directrice de la Communication Qualité et Responsabilité Sociale d’Entreprise chez Orange, ne dit rien d’autre lorsqu’elle explique à la fin de la vidéo que l’opérateur téléphonique souhaite « accompagner le plus grand nombre vers les bénéfices du numérique ». Evidemment, nous aurions aimé qu’elle continuât par « et éviter son exposition aux nuisances environnementales, visuelles et sanitaires induites ». Mais c’eut été placer la rentabilité au service du bien-être, et non l’image au service de la rentabilité… La « communication responsable » a encore de beaux jours devant elle.